À l’auteur d’un sonnet,

commençant par « Vous dites mon vers triste, et pourtant, point de larmes »

Ton vers est « triste » assez, il n’y a pas de doute :
Plus triste, diablement, que plein d’esprit ! Pourquoi
Devrions-nous pleurer, voilà qui me déroute,
Sauf s’il nous faut pleurer de pitié envers toi.

Il en est un pourtant qui serait plus à plaindre ;
Qui davantage, hélas, de pitié me remplit ;
Pour sa part, j’en suis sûr, la douleur va l’étreindre,
Et cet infortuné, c’est celui qui le lit.

Tes vers, sans le secours d’une force magique,
Une fois — mais pas plus — se tolèrent à lire :
En aucun cas pourtant leur effet n’est tragique,
Bien que trop ennuyeux pour provoquer le rire.

Mais désirerais-tu faire saigner nos cœurs,
Et ceci jusqu’à temps que l’un de nous t’implore —
Si tu voulais vraiment nous arracher des pleurs,
Dis-toi qu’il suffirait de nous les lire encore.
Traduction :J. F. Berroyer

To the Author of a Sonnet,

Beginning “Sad is my verse, you say, and yet no tear”

Thy verse is ‘sad’ enough, no doubt:
A devilish deal more sad than witty!
Why we should weep I can’t find out,
Unless for thee we weep in pity.

Yet there is one I pity more;
And much, alas! I think he needs it;
For he, I’m sure, will suffer sore,
Who, to his own misfortune, reads it.

Thy rhymes, without the aid of magic,
May once be read — but never after:
Yet their effect’s by no means tragic,
Although by far too dull for laughter.

But would you make our bosoms bleed,
And of no common pang complain —
If you would make us weep indeed,
Tell us, you’ll read them o’er again.
Lord Byron