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Le petit dieu d’amour qui dormait, étendu,
Avait mis de côté sa torche embrase-cœur ;
Des nymphes dont le vœu préservait la vertu
Vinrent flâner vers lui ; la plus charmante sœur
De sa main chaste et douce enleva, tel un cierge,
Ce flambeau qui avait enflammé des légions ;
Ainsi, dans son sommeil, par la main d’une vierge,
Fut un jour désarmé l’amiral des passions.
Le feu, plongé dans l’eau d’une source glacée,
Lui donna cette ardeur qui depuis lors ne cesse ;
Chacun croit dans ce bain trouver la panacée
De tous les maux ; mais moi, captif de ma maîtresse,
J’y vins pour une cure, et voici mon retour :
L’amour échauffe l’eau ; l’eau n’éteint pas l’amour.
Traduction :J. F. Berroyer

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The little Love-god lying once asleep
Laid by his side his heart-inflaming brand,
Whilst many nymphs that vow’d chaste life to keep
Came tripping by; but in her maiden hand
The fairest votary took up that fire
Which many legions of true hearts had warm’d;
And so the general of hot desire
Was sleeping by a virgin hand disarm’d.
This brand she quenched in a cool well by,
Which from Love’s fire took heat perpetual,
Growing a bath and healthful remedy
For men diseas’d; but I, my mistress’ thrall,
Came there for cure, and this by that I prove,
Love’s fire heats water, water cools not love.
William Shakespeare