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Ainsi ai-je grondé la violette hâtive :
Douce voleuse, as-tu ravi ta douce odeur
À l’haleine de mon amour ? La pourpre vive
Dont ta joue délicate arbore la couleur,
Du sang de mon amour impudemment dérive.
Au lys j’ai reproché d’avoir pris de ta main,
Comme la marjolaine a fait de tes cheveux ;
Campée sur ses piquants, une rose carmin
Avait honte, et une autre était blême aux aveux ;
Une troisième enfin recelait tout ensemble
Ton souffle parfumé, ton rouge et ta blancheur ;
Mais pour cette rapine, elle fut — qu’on en tremble ! —
Rongée jusqu’à la mort par un chancre vengeur.
J’ai vu bien d’autres fleurs, mais je fus incapable
D’en trouver une seule envers toi non coupable.
Traduction :J. F. Berroyer

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The forward violet thus did I chide:
Sweet thief, whence didst thou steal thy sweet that smells,
If not from my love’s breath? The purple pride
Which on thy soft cheek for complexion dwells
In my love’s veins thou hast too grossly dyed.
The lily I condemned for thy hand,
And buds of marjoram had stol’n thy hair;
The roses fearfully on thorns did stand,
One blushing shame, another white despair;
A third, nor red nor white, had stol’n of both,
And to his robbery had annex’d thy breath;
But, for his theft, in pride of all his growth
A vengeful canker eat him up to death.
More flowers I noted, yet I none could see
But sweet or colour it had stol’n from thee.
William Shakespeare