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Je songeais à comment Théocrite a chanté
Les ans doux, les ans chers appelés de nos vœux,
Dont chacun semble offrir au mortel, jeune ou vieux,
Un cadeau de sa main par générosité :
Dans mes larmes je vis, sous la morosité,
Comme je méditais sur ses strophes antiques,
Les ans doux, et amers, les ans mélancoliques,
Ceux de ma propre vie, ayant sur moi jeté
L’un auprès l’autre une ombre. Aussitôt je compris
Qu’en pleurant de la sorte un spectre m’avait pris
Les cheveux, par-derrière, et j’entendis autour
De moi sa voix puissante étouffer mes efforts…
« Sais-tu qui te tient là ? — La Mort, lui dis-je ». Alors,
Son ton clair répondit, — « Pas la Mort, mais l’Amour. »
Traduction :J. F. Berroyer

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I thought once how Theocritus had sung
Of the sweet years, the dear and wished-for years,
Who each one in a gracious hand appears
To bear a gift for mortals, old or young:
And, as I mused it in his antique tongue,
I saw, in gradual vision through my tears,
The sweet, sad years, the melancholy years,
Those of my own life, who by turns had flung
A shadow across me. Straightway I was ’ware,
So weeping, how a mystic Shape did move
Behind me, and drew me backward by the hair;
And a voice said in mastery, while I strove,—
“Guess now who holds thee?”—“Death,” I said. But, there,
The silver answer rang,—“Not Death, but Love.”
Elizabeth Barrett-Browning