Silence
Il est des qualités — choses qui se mélangent,
Dont l’existence est double, et qu’il faut mettre au nombre
Des rares entités gémellaires qui changent
De matière en lumière, ou de solide en ombre.
Tel jumeau, le Silence est d’un côté reclus
En des lieux recouverts par les herbes nouvelles —
Mer et grève — âme et corps ; des grâces solennelles,
Les tristes souvenirs de savoirs révolus,
Le rendent sans terreur : son nom ? « Je-ne-suis-plus ».
Ce Silence est commun : n’en sois pas apeuré !
Ne crains donc pas le mal dont il est incapable ;
Mais si le sort pressant (destin prématuré !)
T’amène à rencontrer son ombre (elfe innommable
Qui hante les régions désertes, seul milieu
Où nul n’a mis le pied), fais ta prière à Dieu !
Dont l’existence est double, et qu’il faut mettre au nombre
Des rares entités gémellaires qui changent
De matière en lumière, ou de solide en ombre.
Tel jumeau, le Silence est d’un côté reclus
En des lieux recouverts par les herbes nouvelles —
Mer et grève — âme et corps ; des grâces solennelles,
Les tristes souvenirs de savoirs révolus,
Le rendent sans terreur : son nom ? « Je-ne-suis-plus ».
Ce Silence est commun : n’en sois pas apeuré !
Ne crains donc pas le mal dont il est incapable ;
Mais si le sort pressant (destin prématuré !)
T’amène à rencontrer son ombre (elfe innommable
Qui hante les régions désertes, seul milieu
Où nul n’a mis le pied), fais ta prière à Dieu !
Traduction : J. F. Berroyer
Silence
There are some qualities—some incorporate things,
That have a double life, which thus is made
A type of that twin entity which springs
From matter and light, evinced in solid and shade.
There is a two-fold Silence—sea and shore—
Body and soul. One dwells in lonely places,
Newly with grass o’ergrown; some solemn graces,
Some human memories and tearful lore,
Render him terrorless: his name’s “No More.”
He is the corporate Silence: dread him not!
No power hath he of evil in himself;
But should some urgent fate (untimely lot!)
Bring thee to meet his shadow (nameless elf,
That haunteth the lone regions where hath trod
No foot of man,) commend thyself to God!
That have a double life, which thus is made
A type of that twin entity which springs
From matter and light, evinced in solid and shade.
There is a two-fold Silence—sea and shore—
Body and soul. One dwells in lonely places,
Newly with grass o’ergrown; some solemn graces,
Some human memories and tearful lore,
Render him terrorless: his name’s “No More.”
He is the corporate Silence: dread him not!
No power hath he of evil in himself;
But should some urgent fate (untimely lot!)
Bring thee to meet his shadow (nameless elf,
That haunteth the lone regions where hath trod
No foot of man,) commend thyself to God!
Edgar A. Poe