75
Ainsi vous nourrissez mes pensées, vous qui m’êtes
Ce que la pluie d’avril est au sol qu’elle abreuve ;
Et de par votre paix je subis cent défaites,
De même que son or met l’avare à l’épreuve ;
Fier nanti jouissant aujourd’hui de son bien,
Je tremble désormais que le temps me l’arrache ;
Heureux de partager seul votre quotidien,
Je voudrais juste après que le monde le sache ;
Par moments rempli du festin de votre vue
Et mort finalement de faim pour un regard ;
Passant et poursuivant une vie dépourvue
De plaisir, hormis ceux reçus de votre part.
Or donc je dépéris, gorgé jour après jour,
Me gavant soit de tout, soit de rien tour à tour.
Ce que la pluie d’avril est au sol qu’elle abreuve ;
Et de par votre paix je subis cent défaites,
De même que son or met l’avare à l’épreuve ;
Fier nanti jouissant aujourd’hui de son bien,
Je tremble désormais que le temps me l’arrache ;
Heureux de partager seul votre quotidien,
Je voudrais juste après que le monde le sache ;
Par moments rempli du festin de votre vue
Et mort finalement de faim pour un regard ;
Passant et poursuivant une vie dépourvue
De plaisir, hormis ceux reçus de votre part.
Or donc je dépéris, gorgé jour après jour,
Me gavant soit de tout, soit de rien tour à tour.
Traduction : J. F. Berroyer
75
So are you to my thoughts as food to life,
Or as sweet-season’d showers are to the ground;
And for the peace of you I hold such strife
As ’twixt a miser and his wealth is found;
Now proud as an enjoyer, and anon
Doubting the filching age will steal his treasure;
Now counting best to be with you alone,
Then better’d that the world may see my pleasure:
Sometime all full with feasting on your sight,
And by and by clean starved for a look;
Possessing or pursuing no delight,
Save what is had or must from you be took.
Thus do I pine and surfeit day by day,
Or gluttoning on all, or all away.
Or as sweet-season’d showers are to the ground;
And for the peace of you I hold such strife
As ’twixt a miser and his wealth is found;
Now proud as an enjoyer, and anon
Doubting the filching age will steal his treasure;
Now counting best to be with you alone,
Then better’d that the world may see my pleasure:
Sometime all full with feasting on your sight,
And by and by clean starved for a look;
Possessing or pursuing no delight,
Save what is had or must from you be took.
Thus do I pine and surfeit day by day,
Or gluttoning on all, or all away.
William Shakespeare