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Lorsque quarante hivers auront cerné ton front,
Et creusé de sillons le champ de ta beauté,
Les fiers et beaux habits de tes vingt ans seront
De pauvres oripeaux d’un vieux goût démodé ;
Et si, interrogé sur où dorment tes charmes,
Sur où gît le trésor de tes jours vigoureux,
Tu dis qu’ils sont au fond de tes yeux pleins de larmes,
Ce sera pour ta honte un aveu malheureux.
Comme il serait plus digne, et noble davantage,
Que ta réponse fût : « Ce bel enfant de moi
Solde mon compte, en somme, innocente mon âge »,
Montrant par sa beauté qu’il hérite de toi.
Ainsi, devenu vieux, ce serait reverdir,
Et réchauffer le sang que tu sens refroidir.
Traduction :J. F. Berroyer

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When forty winters shall besiege thy brow
And dig deep trenches in thy beauty’s field,
Thy youth’s proud livery, so gaz’d on now,
Will be a tatter’d weed, of small worth held:
Then being ask’d where all thy beauty lies,
Where all the treasure of thy lusty days,
To say, within thine own deep-sunken eyes,
Were an all-eating shame and thriftless praise.
How much more praise deserv’d thy beauty’s use,
If thou couldst answer “This fair child of mine
Shall sum my count and make my old excuse,”
Proving his beauty by succession thine!
This were to be new made when thou art old,
And see thy blood warm when thou feel’st it cold.
William Shakespeare