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Combien pèsent pour moi les erreurs sur la route
Quand tout ce que je trouve à la fin du voyage
N’est que le réconfort de songer « somme toute,
Mon ami distant reste au bout de mon sillage ! »
L’animal qui me porte, apathique, se traîne,
Fourbu de soutenir ce poids si lourd en moi,
Comme si le piteux, d’instinct, savait la peine
Qu’aurait son cavalier vite éloigné de toi :
C’est sans le stimuler que la colère enfonce
Quelquefois dans son cuir un éperon sanglant ;
Le long gémissement qu’il émet en réponse
Pénètre en moi plus vif que la pointe en son flanc ;
Car ce gémissement m’instille la pensée
Que si ma douleur vient, ma joie, elle, est passée.
Traduction :J. F. Berroyer

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How heavy do I journey on the way,
When what I seek, my weary travel’s end,
Doth teach that ease and that repose to say,
“Thus far the miles are measur’d from thy friend!”
The beast that bears me, tired with my woe,
Plods dully on, to bear that weight in me,
As if by some instinct the wretch did know
His rider lov’d not speed, being made from thee:
The bloody spur cannot provoke him on
That sometimes anger thrusts into his hide;
Which heavily he answers with a groan,
More sharp to me than spurring to his side;
For that same groan doth put this in my mind;
My grief lies onward, and my joy behind.
William Shakespeare